Page:Glatigny - Œuvres, Lemerre.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Dis, te souvient-il de la tragédie
Que nous avons vue un soir ? Te pinçant
Pour te réveiller, et tout engourdie,
Tu me dis : « Cela n’est guère amusant ! »

Voilà, sans pousser aussi loin les choses
Cependant, voilà tout ce que je fais.
J’accouple des mots jaunes, bleus ou roses,
Où je crois trouver de jolis effets.

Ces lignes tantôt petites ou grandes
Qui semblent marcher toutes de travers
Et sur le papier défilent par bandes,
On appelle ça quelquefois des vers.

Sais-tu, maintenant, quel est leur usage ?
Je l’aime beaucoup, n’est-ce pas ? Eh bien !
Je devrais baiser ton joli visage
Cent fois et toujours, mais je rien fais rien.

Je m’assieds, je prends une plume neuve,
Et, le nez en l’air, chante nos amours,
Pendant qu’à l’écart, ainsi qu’une veuve,
Tu m’attends, hélas ! seule, tous les jours.

Et ceux-là pour qui justement j’apprête
Ces amours chantés avec tant d’éclat
Disent, en hochant gravement la tête :
« Ça n’est pas utile au bien de l’État ! »