NOVEMBRE. — LES ROMANS 353
de s'accomplir : le vieillard a prédit qu'un jour vien- drait où une pirogue maudite apparaîtrait et où pour jamais les oiseaux s'envoleraient emportant loin de Tahiti Tâme tahitienne. Voici, en effet, une pirogue d'une grandeur prodigieuse qui s'avance sous de larges voiles, les maories la contemplent avec épouvante et les bengalis éblouissants, les perruches- admirables, les cardinaux de pourpre, les maucodes à gorge d'or cou- vrent la surface d'azur, emportés par une force incon- nue. Tout le peuple aérien s'éloigne vers l'Occident en faisant courir sur la mer une ombre immense. Et Hinoto regarde l'âme maorie s'évanouir avec la fuite des der- niers oiseaux.
Et c'est une belle histoire, mélancolique et pioignante, un étrange roman qui ne pouvait être écrit que par un poète.
MARCEL BATILLIAT
La Liberté.
La Liberté ! C'est un bien beau mot que celui-là : il sonne à nos oreilles la plus joyeuse, la plus enivrante des fanfares, il évoque à notre esprit enchanté l'image d'une vie sans entraves, sans restrictions, avec ses larges routes et ses petits sentiers suivis à notre gré, à notre heure. La Liberté ! Mot délicieux vraiment, mais ce n'est qu'un mot. Telle est la conclusion qui s'impose à nous après la lecture du roman de M. Marcel Batilliat placé sous cette décevante invocation.
Ce n'est sans doute pas tout à fait le dessein qu'il formait; il n'a d'ailleurs pas songé à soutenir une thèse, il a voulu seulement montrer dans une histoire très vivante et humaine des êtres épris de liberté, d'indé- pendance, acharnés à la conquête de leur affranchisse- ment. Et c'est Félicienne, la femme du riche industriel