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VIII PREFACE

dans la chaleur de mon être, sous de longs soins de moi-même inconnus, et m'arrive au cœur comme un sentiment tout prêt à devenir un chant.

Mais, quelque conception que l'on ait du roman, le but reste toujours le même, c'est d'élargir l'âme. Les romans russes ou ceux d'un Dickens m'attendrissent, m'apprennent qu'il y a d'autres êtres, m'obligent à les comprendre, à tenir compte des autres. Gœthe me donne un enseignement de sagesse, m'invite à con- sidérer qu'il faut être prudent envers la vie, qu'elle est une rude suite de leçons. Benjamin Constant, Sten- dhal et tous nos analystes français nous dressent à voir clair, à dégager du fatras des événements et des discours certains petits faits, vrais et révélateurs. Ces esprits, trop nets peut-être, se chargent de nous déniai- ser. Mais qu'ils appuient un peu trop et nous voilà désenchantés, déveloutés, je n'ose dire flétris. Balzac nous hausse jusqu'à distinguer qu'il y a de grandes lois pour l'individu et pour la société. On pourrait multi- plier les exemples : l'art du roman est d'infinie sou- plesse; il n'est pas de force plus agissante sur l'âme.

En tenant le compte annuel des œuvres d'imagina- tion, parmi lesquelles je range naturellement les Mémoires et tous les Uvres d'histoire que le public con- somme, vous nous aidez à nous tenir au courant des mouvements de l'opinion en France et à nous faire une idée vivante des mœurs de la classe poUe, comme on disait jadis. Je vous en félicite et remercie, mon cher confrère, et je vous serre la main.

Maurice Barrés.