Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
de l’écriture sainte.
DEUXIÈME PROPOSITION.
Esdras n’a point abrégé les livres sacrés des Juifs.

1. Pour soutenir une opinion aussi singulière que celle qu’a émise R. Simon, quand il dit : « Soit qu’Esdras ait refait de nouveau les livres sacrés, comme quelques-uns d’eux (des pères) l’assurent, ou qu’il n’ait fait que recueillir les anciens mémoires, en y ajoutant, y diminuant et changeant ce qu’il croyait être nécessaire, comme les autres disent avec plus de probabilité, il sera toujours vrai qu’Esdras n’a pu composer ce corps d’Ecriture avec ces changements qu’en qualité de prophète ou écrivain public. Il est de plus certain que les livres de la Bible qui nous restent ne sont que des abrégés des anciens mémoires, qui étaient beaucoup plus étendus avant qu’on en eût fait le dernier recueil pour le mettre entre les mains du peuple[1] » pour soutenir, disons-nous, une pareille opinion, il faudrait avoir à l’appui des raisons bien puissantes : or celles que R. Simon allègue sont de nulle valeur. Car les textes des pères et des auteurs qu’il invoque en sa faveur, ont évidemment un sens tout autre que celui qu’il leur prête, et ses arguments critiques n’auraient de la force qu’autant qu’il aurait démontré que chez les anciens Hébreux les écrivains publics n’étaient point distingués des prophètes divinement inspirés : mais jamais l’Ecriture ni la tradition n’ont confondu ces deux classes ; aussi R. Simon est-il d’une faiblesse extrême dans sa défense contre les attaques dont il a été l’objet à cause de cette opinion[2].

2. Si Esdras avait abrégé les anciens écrits beaucoup plus étendus dans les auteurs originaux, en y changeant, ajoutant ou diminuant, nous ne serions pas sûrs d’avoir dans le Pentateuque l’ouvrage de Moïse, ni dans les prophéties les écrits des prophètes qui les ont composées. Il y aurait au contraire la plus grande probabilité que pas un seul des livres de l’Ancien Testament ne serait l’œuvre de l’écrivain dont il porte le nom, puisque tout écrivain public pouvant, selon R. Simon, abréger, ajouter, diminuer, changer dans les écrits sacrés ce qu’il croyait nécessaire, il est à présumer que tous les scribes publics antérieurs à Esdras ayant exercé ce pouvoir, il n’est resté jusqu’après la captivité qu’une très-petite partie des anciens originaux. Ainsi, pour peu qu’Esdras lui-même, profitant de sa qualité d’écrivain public, ait retranché, ajouté, changé à ces faibles restes des ouvrages primitifs, les Juifs qui ont vécu depuis Esdras n’ont guère reçu des livres saints de leurs pères,

  1. R. Simon, loc. cit. et dans ses Lettres. ;
  2. Voy. Ellies Dupin, Diss. prélim. l.I, c. II, §4. Carpzovius, Introd. ad libr. Bibl. V. T, Part. III, c. III, § 24, et Crit. sacra. Part. I, c. I, §5.