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de l’écriture sainte.

purement gratuites, et dont nous montrerons la fausseté dans l’introduction particulière à chacun de ces livres.

Obj. 2o Les mêmes critiques objectent encore que si les deux prophètes Esdras et Néhémie avaient rassemblé tous les livres qui forment le Canon des Juifs, ils les auraient disposés dans un ordre plus naturel : Daniel, par exemple, aurait son rang parmi les prophètes, et les Paralipomènes seraient placés immédiatement après les Rois.

Rép. On peut donner plus d’une réponse à cette objection. D’abord l’assertion de nos adversaires n’aurait quelque poids qu’au cas qu’on démontrerait que l’ordre dans lequel les livres sacrés sont rangés actuellement dans les Bibles des Juifs est l’ordre primitif ; or, c’est ce qu’ils ne sauraient faire de manière à enlever toute espèce de doute, puisque la version des Septante et Joseph lui-même n’observent pas l’arrangement adopté dans ces Bibles. D’ailleurs les critiques que nous combattons pourraient-ils prouver davantage qu’Esdras et Néhémie n’ont pas eu de raisons suffisantes de suivre dans la formation du Canon l’ordre observé par les Juifs d’aujourd’hui ? S’ils est vrai, comme l’enseignent le Talmud et le commun des interprètes, que les Paralipomènes soient l’œuvre d’Esdras et de Néhémie, nous ne voyons pas pourquoi ces deux prophètes ne les auraient pas mis à la suite des livres qui portent leur nom. Quant au livre de Daniel, nous concevrions également qu’il n’eût pas été rangé dans la classe des prophètes. Daniel, en effet, n’était pas prophète dans le sens que les anciens Hébreux paraissaient attacher au mot nâbî (נביא), qui exprimait l’idée d’un homme dont la profession spéciale était d’exercer le ministère prophétique[1]. Les fonctions qu’il exerça à la cour des rois de Babylone, de Médie et de Perse, semblaient devoir exclure de cette classe pour en faire un hôzé (הזה) ou voyant, comme David et Salomon, dont les ouvrages n’ont point été classés parmi les prophètes proprement dits, pas plus que le Pentateuque de Moïse, quoique ce dernier soit regardé par les Juifs comme un prophète bien supérieur à tous les autres. Nous ajouterions volontiers avec le savant Quatremère : « Mais on peut croire, ce me semble, tout en admettant, comme je le fais, la parfaite authenticité du livre de Daniel, que ce recueil ayant été formé à Babylone, et peut-être après la mort de l’auteur, aura été apporté un peu tard à Jérusalem, et n’aura pu trouver sa place qu’à la suite des autres ouvrages dont se composait déjà le Canon[2]. »

Obj. 3o Suivant Bertholdt et de Wette, la dernière classe des livres sacrés fut achevée lorsque les deux autres étaient déjà closes. On re-

  1. Nous reviendrons sur cette matière, et nous la traiterons plus au long dans l’Introduction particulière aux livres des prophètes et aux prophéties de Daniel.
  2. Journal des Savants, octobre 1845, p. 603.