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de la canonicité.

admettant la clôture du Canon à une époque antérieure aux Machabées, Cellérier veut que sa formation soit l’ouvrage de plusieurs personnes, et même de plusieurs générations. Selon lui, Esdras peut avoir commencé, et d’autres avoir continué ce travail. Il ajoute : « La tradition des Juifs parle d’une succession de docteurs, sous le nom de grande synagogue. Rien absolument ne garantit leur infaillibilité[1]. »

Pour réfuter ces opinions, qui tendent à dire que plusieurs livres se sont glissés, longtemps après la captivité, dans le Canon d’une manière illicite, ou que ces livres méritent peu de foi et nous ont été conservés dans un mauvais état, comme l’a si justement remarqué Hævernick[2], nous allons établir on proposition suivante :


PROPOSITION.
L’origine et la clôture du Canon des Juifs remontent au temps d’Esdras.

1. Le temps qui suivit immédiatement le retour de la captivité était sans contredit le plus convenable pour former le Canon des livres saints et l’arrêter irrévocablement. Car les années de malheur avaient fortement rattaché les Israélites à la religion de leurs pères. Ils cherchaient avec soin tout ce que l’histoire d’un temps plus heureux pouvait leur offrir de consolations. Et si quelques-uns plus tièdes préféraient demeurer dans le lieu de l’exil, les autres, pleins de zèle, retournaient avec empressement dans la terre sacrée. Ainsi cette crise politique fut la date d’une nouvelle époque religieuse, qui donna naissance à de nouvelles institutions religieuses. Ainsi les synagogues et les sanhédrins, qui jouent un rôle si important dans l’histoire subséquente des Juifs, doivent à cette époque leurs premiers commencements. Or le Canon des livres saints de la nation n’a pu être négligé dans ces temps de restauration générale. On ne peut raisonnablement supposer que les Juifs aient été sans inquiétude et sans zèle pour ces livres, bases de leur gouvernement théocratique et qui pouvaient seuls donner de la force et de la solidité à la nouvelle colonie, si faible en elle-même. Quoi ! aussitôt après la mort de Mahomet le Coran fut recueilli par Abubekr[3], et des hommes tels qu’Esdras, Néhémie, et les prophètes qui vivaient encore de leur temps, auraient eu moins de zèle pour recueillir les livres sacrés de leur nation ! « Zorobabel, Esdras et Néhémie, dit le P. Fabricy, réformèrent les abus, firent cesser bien des prévarications, et furent très-zélés pour l’observance des constitutions mosaïques. Comment eussent-ils négligé des

  1. Cellérier, Introd. à l’A. T. p. 362.
  2. Mélanges de théol. réformée, 2e cahier, p. 171.
  3. Hottinger, Bibl. orient. pag.  106