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de l’excellence ou de l’autorité.

des raisons trop ridicules pour que leur sentiment puisse avoir ici la moindre autorité. Quant aux pères de l’Eglise, quoiqu’ils parlent en termes les plus pompeux et les plus magnifiques de l’inspiration des Ecritures, ils ne disent nulle part d’une manière explicite qu’elle s’étende jusqu’à l’expression matérielle du discours. Saint Augustin, en parlant des évangélistes, dit qu’il ne faut pas s’arrêter aux termes dont ils se sont servis, mais seulement à la pensée qu’ils ont exprimée[1]. Saint Jérôme, tout en soutenant que chaque syllabe de l’Ecriture est pleine de mystères, assure en même temps que saint Paul est confus dans les termes qu’il emploie ; que son style est très-obscur et très-embarrassé ; qu’il tombe souvent dans le défaut des Juifs, qui, en expliquant la loi, ajoutaient des mots superflus ; et que, pénétré lui-même de ce qu’il veut dire, il ne peut s’exprimer ni se faire entendre d’une manière claire et intelligible[2]. Or ces pères ne se seraient pas permis un tel langage, s’ils avaient cru que tout, jusqu’aux expressions mêmes, était inspiré dans l’Ecriture.

2o Saint Paul a pu dire avec vérité que toute l’Ecriture est inspirée, sans qu’on soit autorisé pour cela à étendre jusqu’aux mots ce secours divin. Il suffit, en effet, pour justifier cette parole du grand Apôtre, que tous les sens que contient l’Ecriture soient inspirés de Dieu, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas une phrase, pas un seul mot qui ne soient inspirés quant aux vérités qu’ils renferment.

3o Ce qui fait le fond de la parole, c’est la pensée qu’elle renferme et non la lettre, qui n’en est que l’expression matérielle : si donc Dieu est l’auteur des pensées, on peut dire avec vérité qu’il est aussi l’auteur de la parole.


COROLLAIRE.

D’après tout ce qui a été dit dans ce chapitre, il n’est pas difficile de tirer les conséquences suivantes :

1o La définition que nous avons donnée de l’inspiration se trouve. très-juste et très-exacte, puisqu’elle s’accorde parfaitement avec l’idée que Jésus-Christ, les apôtres, les autres écrivains sacrés, les auteurs juifs, les pères de l’Eglise et les écrivains ecclésiastiques, nous ont donnée des secours surnaturels qu’il a fallu à ceux qui ont composé les livres saints, pour que ce qu’ils ont écrit fût réellement la parole de Dieu. Elle est surtout conforme au terme si clair et si précis employé par l’apôtre saint Paul, théopneustos (θεόπνευστς) ; terme qui n’est lui-même que la traduction fidèle de רוח אלֹהים souffle de Dieu, consacré chez les anciens Hébreux pour marquer l’influence que Esprit divin

  1. August. De consensu evangelistarum, l.II.
  2. Hieron. Epist. ad Algasiam.