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de l’écriture sainte.

selon son génie, son éducation et le siècle où il vit. Isaïe, comme le remarque saint Jérôme, d’une naissance distinguée, élevé à la cour des rois, a un style poli, noble, majestueux, digne en un mot de son éducation ; Amos, au contraire, né dans l’humble chaumière des bergers, et qui a grandi parmi les troupeaux, ne retrace dans ses tableaux et ses comparaisons que les images de la vie champêtre[1]. Saint Luc, habile dans la langue grecque, écrit assez purement, tandis que saint Paul, élevé, comme il le dit lui-même, aux pieds du juif Gamaliel, parle un grec dur et presque barbare. Enfin, saint Jean est diffus et tombe parfois dans la tautologie, tandis que saint Pierre se fait remarquer par un style concis et serré. Or n’est-il pas plus naturel d’attribuer cette différence dans la manière d’écrire aux talents divers des écrivains, que de recourir gratuitement au miracle, en voulant que l’Esprit saint se soit ainsi joué à produire de lui-même, et à l’insu des écrivains sacrés, une diversité de langage si conforme à leur caractère et si bien assortie à leurs divers talents ?

3. Enfin la manière différente dont les évangélistes rapportent souvent les paroles de Jésus-Christ semble nous autoriser à rejeter la nécessité de l’inspiration verbale. Car, en admettant, ce qui est incon- testable, que les évangélistes ont rapporté fidèlement ce que l’Esprit saint leur dictait, comment justifier cette diversité d’expressions ? Dira-t-on qu’elle est l’œuvre de l’Esprit saint lui-même ? Mais alors nous n’avons plus les paroles de Jésus-Christ dans les passages de l’Evangile où elles sont diversement rapportées ; car ces divines paroles n’étant plus celles de Jésus-Christ que quant au sens, et ce sens ne suffisant pas, selon les partisans de l’inspiration verbale, il en résulte nécessairement que ces passages de l’Evangile ne renferment plus les propres paroles de Jésus-Christ, ce qui est formellement contraire au langage commun de l’Eglise.


Difficultés qu’on oppose à ce sentiment, et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o L’inspiration verbale ayant été admise par les rabbins et les pères de l’Eglise qui se sont le plus livrés à l’étude de l’Ecriture sainte, il y a de la témérité à la rejeter.

2o Saint Paul nous enseigne que toute l’Ecriture est divinement inspi- rée : or cette sentence doit s’appliquer, pour être vraie, aussi bien aux mots qu’aux choses contenues dans l’Ecriture.

3o Toute l’Ecriture est non-seulement la pensée, mais encore la parole de Dieu : or, comment pourrait-elle être la parole de Dieu, si Dieu lui-même n’avait pas inspiré cette parole ?

Rép. 1o Les rabbins en soutenant l’inspiration verbale s’appuient sur

  1. Hier. in cap. III Amos, et Præfat. in Jes.