Page:Gistucci - Le Pessimisme de Maupassant, 1909.djvu/31

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sots qui les suivent, le font sourire. Il a la haine de la politique et des politiciens. Avant Georges Lecomte, il les appelle les Valets.

Et la société ? la société « démocratisée », qu’est-elle ? Un « mélange de riches financiers sans goût et de parvenus sans traditions ». Maupassant n’a, d’ailleurs, aucun penchant à étudier ni à pénétrer les foules. Du Creusot, il n’a vu que la fournaise. Il ne s’est senti ni goût, ni aptitude à peindre l’âme du mineur.

Ajoutez qu’il n’y a, chez lui, nul dilettantisme. Il est sérieux, grave, concentré. Il cultive peu l’ironie. Il écarte la « poésie ». Il ne se plaît pas dans ces vastes tableaux, romanesques à la fois et réalistes, que remue la main puissante de Zola. Il ne lave pas non plus de fines aquarelles dans le goût de France et de Daudet. Il peint des eaux-fortes. C’est un réaliste pur.

Aussi, voyez le « cortège » de ses créations.

C’est l’humanité moyenne qu’il peint. Mais quelle pauvre et basse humanité ! Ses récits sont volontiers pleins de détails crus, de tableaux de mœurs féroces. Il nous présente les multiples aspects du « gorille » humain.

Paysans grossiers, en face de hobereaux de province, secs, prétentieux, sans âme ; Normands rusés, égoïstes et cupides ; Bretons superstitieux et alcooliques ; foules bestiales ; bourgeois, dont les moindres défauts sont bassesse, crétinisme et imbécillité ; employés mesquins, tout le petit monde des cartons verts, forçats de l’administration et du bureau, du bureau-cercueil, d’où l’on ne sort que pour la retraite, quand on est usé, flétri, prêt à mourir.

Puis, ce sont les fêtards immoraux et jouisseurs, tout le monde suspect et véreux des viveurs et des rastaquouères, et leur lieu de rendez-vous, la Grenouillère, cette sentine parisienne, où grouille une tourbe brillante, bariolée — et immonde.