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Comme elle me contait ses prouesses, ses malices, ses « enfances » de petit gars héroïque et d’intellectuel précoce, me récitant ses vers qui venaient de paraître et qu’elle savait par cœur, je m’étais pris d’un réel enthousiasme pour l’auteur de ces belles choses, et — sans en rien dire à Mme de Maupassant — j’envoyai moi-même au poète, à tout hasard, des vers, de bien modestes vers où un sentiment juvénile de sympathie et d’admiration tenait lieu d’originalité et de talent.

Il me répondit le plus gracieusement du monde par l’envoi de son propre volume, avec une dédicace. La connaissance était faite.

Quand il débarqua à Ajaccio, quelques mois après, j’allai le trouver. Il était charmant — comme sa mère — « simple et doux. »[1] Il me retenait, m’entraînait dans toutes ses promenades. Nous ne nous séparions plus.

Il était descendu à l’Hôtel de France, ce « grand hôtel vide à l’angle d’une grande place », dont il est question dans Une Vie. Sa mère était logée chez des particuliers.


Un jour — nous étions seuls — Maupassant me demanda : « Savez-vous nager ? Aimez-vous les bains de mer ?… Oui. Eh ! bien, nous allons, de ce pas, en prendre un »…

Et nous voilà dévalant tous deux vers la plage.

Je lui proposai les cabines des baigneurs de la ville, désertes en cette saison, on était à la fin de l’été. Il s’en détourna avec horreur. Je n’eus garde d’insister. Et, après nous être munis, dans un magasin du port, des accessoires nécessaires, nous nous rendîmes par cette tiède après-midi de septembre, en suivant la route qui longe la mer, jusqu’au fond du golfe.

  1. J. Lemaître dit ne l’avoir jamais vu autrement. Les Contemporains, 5e série.