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où l’habitant de Porto le plus fou, si loin du vin nouveau, est le plus sage. L’un d’eux cria à notre vue : « Vivent les démocrates ! » C’est, le guide nous l’expliqua, qu’à la même heure, tant l’instinct de contradiction est vif entre les deux villes, que quelqu’un à Lisbonne avait crié : « Vivent les libéraux ! » Les collines portaient des lignes de petits moulins qui moulaient le blé grain par grain.

— Amour ! — disait Nenetza.

— Très pratique, — disait le général.

Et nous revînmes à l’Amélie par des avenues où la poussière au lieu de suivre les autos avait des tourbillons spéciaux, et où des placards prévenaient devant chaque palais que le parc était défendu contre les maraudeurs par des ratières à feu…

Il y eut un jour brumeux, des visages méchants. Le Gulf Stream n’atteignait plus que quelques cœurs de passagers. La mer semblait calme mais détruisait le navire par-dessous, comme une falaise. Puis une haleine aride nous couvrit de poussière comme si nous avions été sur une place à Tarascon. Sophie Mayer, n’ayant pas de grammaire arabe, rêvait. Une averse tomba, dégageant du bateau, qui jadis avait été anglais, puis japonais, puis allemand, toutes les odeurs accumulées en lui, et les passagers les combattaient par mille