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ciait, comme s’il apprenait de moi non pas le mot Montagne-de-Blond, mais le mot plainte, mais le mot automne ; que les bergères, pour chasser, adorable Toulet, les loups, retirent leurs sabots et les claquent l’un contre l’autre, et il avait l’air délivré, comme s’il allait profiter aussitôt de la recette dès qu’il arriverait près de Saint-Augustin, sa paroisse. Puis, comme une modiste de Paris vous prend un chapeau de Limoges, le chiffonne et vous en coiffe à nouveau, il me rendit un pays élégant où je me connaissais à peine. Dans chacun de mes bourgs médiocres, il trouva le moyen de loger un grand homme ; cette province que je lui avais décrite, toute fière (confuse maintenant), éclairée à l’électricité jusque dans les métairies et les porcheries, il l’éclaira soudain, lui, au génie ; dans Limoges il logea Renoir, m’obligea à découvrir que mes grands-parents s’étaient mariés alors qu’il y peignait la porcelaine ; que leurs services à café et de table avaient été décorés, sûrement, par Renoir ; dans Bellac même, La Fontaine, qui y aima une jeune veuve, fort probablement, disait-il, mon aïeule ; dans Bessines, l’Anglais Young et la Danoise Yversen, l’amie de Chopin, qui y aima un jeune bourgeois, blond justement, sans aucun doute mon grand-père ; de sorte qu’à ses yeux je fus bientôt la seule descendante du