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avant son dernier chant. C’est bien lui qui volette près de moi, qui me frôle, modeste, comme la chanteuse de lieder qui gagne la scène un des figurants ; et voilà la dernière veille du rossignol. Jamais rossignol n’a chanté plus près de moi. Sa gorge s’enfle. Comme au cinéma quand on est trop près de l’écran, ces ondes de désolation, de bonheur qui partent d’un rossignol, je suis à l’intérieur d’elles, je frémis. Voici le vent de trois heures trois quarts, voici le bruit de grelots de quatre heures. Près de moi, l’Océan est laiteux, humble à la fois et hypocrite et satisfait : un nouveau million de noyés vient sans doute d’être complété. Mais soudain un clairon là-bas a sonné le réveil. Aux quatre points cardinaux il sonne. À tous les Français de vingt ans étendus vers le Sud, l’Occident, le Septentrion, il annonce que le soleil va se lever. Il sonne en cette minute au Levant : tout le fond du clairon doit être doré.

Voilà l’aurore, et ce froid qu’apporte le premier rayon. C’est bien la France, malgré ce dernier faux décor de magnolias et de pins. Voici que du plus gros de ces arbres s’échappe une pie, comme un mot français qu’il ne peut plus contenir. Voici deux pies, trois, quatre, voici les pics verts, voici les sansonnets, voici des phrases entières. C’est