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des fleurs éphémères, cette modestie avec forêts et parterres, elle est jusqu’ici sans objet. Je n’aperçois à travers l’ombre que des pins semblables à ceux de l’île ; le parfum que je respire, c’est celui des magnolias, comme là-bas ; et ma main qui se glisse dans le premier buisson que je croyais de vergnes ou d’érables plus tendrement que dans une chevelure, ne rencontre que des fusains, des fougères. En mon absence mon pays a dû vieillir, se durcir, renoncer aux espèces à feuilles mortelles, ne plus confier sa flore à la chance du printemps… Tant pis, je me confie à la chance du jour !

Mais voilà que la chouette vole doucement autour de moi. Voilà que la musaraigne, chassée par elle, pousse son cri. Voilà un souffle, un vent léger qui ne m’a jamais effleurée qu’aux heures où je revenais en voiture, la mariée enfin couchée, des noces du Dorat ou de Bessines. Voilà qu’il me force à lui présenter mon visage. Voilà que je suis replacée, orientée par lui, dans une des veilles de la nuit en France. Voici l’ordre invariable qui me prend comme un trottoir roulant, un pinson qui se plaint, là-bas le chant du coq. Voici fait le point de ma nuit, j’en connais maintenant l’exacte profondeur. Je suis dans cette courte veille où le rossignol s’est tu, et se repose