Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se retourne à chaque minute comme un disque, c’est dire : Europe, tu n’existes pas ! Tu n’es pas pleine de grands magasins vitrés où errent les kleptomanes ! Que tes villes seraient belles si on les construisait à la campagne ! Et le romanticisme, dit romantisme, — et l’alexandrinisme, dit hellénisme, et la catachrèse, et la litote, et tous ces noms que nous tendions fièrement aux examens pour les faire poinçonner comme dans le métro des tickets de toute première classe, je les perçais à jour à ma façon, j’eus mon alexandrinisme à moi, mon romantisme à moi, et des litotes fausses plus belles que vos vraies. Il est d’ailleurs je ne sais quelles ornières, d’Homère à Chateaubriand, auxquelles une pensée même ignorante n’a qu’à se confier pour éprouver au juste — impression physique — le vrai glissement de toute la pensée humaine. C’est seulement sur la route présente que je m’égarais. Ma création devenait confuse dès qu’il s’agissait d’un poète vivant, et moi, à laquelle obéissaient les dociles Eschyle et Shakespeare, tout mon pouvoir mourait sur Jammes et sur Bergson.

Je m’irritais surtout contre trois noms qui revenaient constamment entre Simon et ses amis, trois noms d’ailleurs flamboyants même pour les non initiés, et qu’ils se reprenaient l’un à l’autre