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par tous les trous il en sortait une fumée avec les oiseaux. Tout ce qu’il se permettait en Limousin avec les feuillages, les ramures, les frondaisons, le Novice le fit avec les feuilles de bananier, les palmes… Les oiseaux à plumages ras, seuls, osaient se poser au hasard, mais les queues des paradisiers et des veuves revenaient en rafale par-dessus leur tête à leur moindre faux mouvement. Toutes les plaisanteries qu’il se permettait là-bas avec mes robes, il les essaya sur moi nue. Et bien d’autres ensuite me visitèrent, de ceux qui se nomment dans les pensions de jeunes filles l’Architecte, Coco ou Casimir, qui pelaient en une seconde des régimes de bananes, qui changeaient en glu le sirop d’érable, qui faisaient reparaître sur moi, par rougeurs inexplicables, des traces de jarretelles, de corset ou d’épaulettes…, dont j’ignorais les noms, et qu’une vraie sauvage eût créés dieux, tant leur malice était vivante. Mille souffles, mille petits fracas, mille petites présences qui tournoyaient autour de moi, mendiant cette divinité qu’ils savaient par les livres de Spencer plus facile à obtenir en Polynésie que dans le reste du monde. J’étais assaillie de leurs ambitions. Je les comprenais d’instinct. Un bruissement dans les catleyas juste au lever du soleil qui eût voulu être dieu du rayon rouge. Une fulguration sur les