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de champs de tournesols pareils à nos topinambours où tous les perroquets prenaient leur pâture, les plus gourmands se précipitant, les ailes déployées, pour manger à même les soleils. Confondues autour d’un seul disque jaune, toutes les couleurs parfois de l’arc-en-ciel, chacune avec son cri. Puis, une fois contourné le balivier brisé par la foudre qui ressemblait à une statue d’homme, presque à un homme, après les petits marais taillés en plein corail d’où montaient en jets d’eau, avec un oiseau voltigeant au-dessus au lieu d’un œuf, des orchidées hautes de dix mètres, une sorte de pré où mes pas étaient étouffés, où les oiseaux se taisaient, où les innombrables fleurs étaient sans parfum, et qui me donnait, surtout à moi si nue et si poudrée de nacre, un sentiment d’inexistence ou de champ des enfers. Des luttes sans bruit, et presque immobiles, et entre animaux que rien, même la haine, ne semblait devoir assembler, des oiseaux-mouches en débat avec des araignées, de petites oies le bec pris entre les lèvres de grenouilles géantes, des crabes de palmier enlaçant des couleuvres. C’est près de là que d’un tronc lisse sortait une hanche, une hanche de femme entière, toujours au soleil, chaude comme si la métamorphose venait juste d’avoir lieu, et je la caressais, un peu curieuse,