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hivers, des énormes cornues de nos ancêtres, je ne vis que Rembrandt, Rubens, Holbein. À eux trois ils me suffisaient. Je suivais leurs tableaux épars sur ma route comme les traces de je ne sais quel voyageur, mon aîné, et sur de le rejoindre. Avec mes bottes de sept lieues, je passais sans fatigue de l’un à l’autre, sans souffler aux petites œuvres, et toujours le plus beau me plaisait davantage. Une ou deux fois, alors qu’assis en face de Rembrandt je rêvais, relevant la tête trop à droite ou trop à gauche, au lieu du visage immortel dont une minute d’absence avait fait dériver mon regard, j’avais bien entrevu une tête fraîche et blonde, une dentellière devant un vitrail bleu et rouge, goûtant un calme enviable au-dessous de cet arc-en-ciel modeste à deux couleurs ; ou bien un sourire entre trois lumières ; ou bien une lumière entre trois fronts enfantins ; ou, souvenir d’un dimanche enterré avec ses bijoux et sa neige, vingt fillettes à patins argentés, à coiffures dorées revenant de l’église ; ou bien un vrai petit arc-en-ciel avec ses sept cercles, qui, sans raison, m’émouvait, m’attristait, comme s’il eût annoncé que baissaient les eaux de mon enfance. Mais déjà un aimant ramenait mes