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que je pensais au génie. Une crème naissait sur ma pensée, sur mon front ma première ride. Pourquoi mon père, dans un éclair de folie n’avait-il pas fait une statue, une découverte ? Il eût suffi d’une semaine ! Ou pourquoi n’avais-je pas un grand-père de génie, qui m’eût donné, désormais annulé du tirage des noms illustres, breloque immortelle, son nom pour prénom, — et, qui m’eût porté mon chocolat au lit, et m’eût fait prendre des cachets, et devant lequel j’eusse toussé sans rhume, pleuré sans chagrin, pour voir s’inquiéter, pour voir s’assombrir les yeux, le front, de ce visage, de ce buste…

J’achevais ma rhétorique, quand un proviseur de Paris m’offrit son lycée. J’hésitai. Paris ? Bien peu m’importait alors que l’on plaçât autour de ma classe trois millions de gens en plus. Mes maîtres s’étonnèrent de mon indifférence et m’obligèrent à les abandonner ; ce fut, cette fois, sa famille qui contraignit l’enfant prodigue au départ. Lycée ingrat qui m’avait déjà trouvé un successeur, un élève de cinquième au au teint jaune, aux yeux bridés, au nez camus que nous appelions le grand lama. Mais il avait l’âge du lama qu’on proclame ; j’avais l’âge du lama qui disparaît, et je partis. Il était temps, et,