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204 SIMON LE PATHÉTIQUE

chatte, avec des oreilles pointues, des moustaches de soie. Elle disparaissait, elle revenait parée pour moi de châles, de blouses, achetés dans Paris la veille du départ, tirés du fond de N ses valises, un peu froissés, — car elle ne comptait pas les mettre avant la fête roumaine la plus proche ; et la nuit vint. Assis sur les strapontins du couloir, détournant les genoux comme un double guichet de musée quand la famille anglaise regagnait par exemplaires semblables ses cabines, nous parlions de Longchamp ; elle courait et revenait avec un chapeau pour les courses. Nous parlions de Bougival et elle revenait en canotier, en sweater bleu. Nous parlions de la nuit, et elle fermait les yeux. Puis minuit sonnèrent et il fallut rentrer chez nous en nous tournant le dos, et l’un semblait rentrer dans hier et l’autre dans demain.

À notre réveil, le train côtoyait un fleuve ; près du fleuve, une hutte inhabitée : Belgrade ou je ne sais quelle autre capitale. Tous les voyageurs balkaniques, qui bavardaient entre eux jusqu’en Autriche, à nouveau en famille, devenaient ennemis. Moi le Français j’étais maintenant le meilleur ami de chacun. Lyzica me montrait son pays, confondit d’abord les