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encore et attendre deux heures dans la salle sans feu où un soldat me fit boire du vin pour arrêter mes larmes et m’enveloppa de son cache-nez pour que mes dents ne claquent pas. Il m’a dit son nom, son matricule ; je les ai sur un carnet. Dans le train direct, vers minuit, à défaut d’autres fantassins, il me confia à un wagon d’artilleurs. Je dus me tenir debout, car ils étaient étendus sur les banquettes et ne bougeaient pas. Tout bruissait, tout résonnait ; j’avais l’impression de venir au lycée par un tunnel. Il était une heure et non minuit trente quand j’arrivai : je ne pouvais me consoler de ces trente minutes gâchées. Je ne savais pas que les trains parfois sont inexacts et je me croyais la victime de leur premier retard. Par bonheur, ma malle était déjà au pied de mon lit, où je pus monter grâce à elle. J’en redescendis pour compter les chemises, mais pas une ne manquait, et ce n’est pas cette nuit-là encore que je connus le désespoir…

Mon lycée, de briques et de ciment, était tout neuf. À tous les étages, la clarté, l’espace, l’eau.