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pos, sur mes épaules, devenait chaque jour plus pesant et m’enfonçait dans une eau froide, trouble. Peut-être m’eût-il suffi, pour écarter le ’ î nuage, de me revoir sur un portrait avec une tête étourdie et joyeuse, mais de cette enfance je n’avais pas une photographie. Mon père n’admettait pas plus les photographes que les dentistes, les oculistes. On avait économisé sur mes dents, sur mes yeux, sur mes reflets. Je me rappelais chacun de mes costumes, je revoyais ’· nettement chacun de mes souliers, un peu moins nettement mes cravates, mes’cols, mais je n’en pouvais revêtir qu’un petit fantôme à tête voilée, confuse, et parfois, — maintenant je l’aimais comme un autre, — il me semblait qu’un autre ’ avait été enfant pour moi.

Il n’y avait plus d’ailleurs à s’y tromper : cet autre avait été malheureux. Il n’y avait plus à le lui cacher. Chaque souvenir qui surnageait de mon passé contenait, trop tardif, inutile, comme · ’ la bouteille d’un naufragé, l’appel d’un enfant. à l’abandon dans une île désormais sans abord. Ã Abandonné huit hivers dans un dortoir glacé, dans un lit étroit où trois mille ·nuits il était parvenu à dormir sans tomber à droite ou à gauche ; Abandonné par un cousin ivre au mi-