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— une carafe, un encrier, un buvard avec ses marques, et j’enfermai tous les jouets dans un placard, dédaignant sans remords les favoris même auxquels j’avais juré qu’ils’m’escorteraient dans la vie. — Un poulet qui change de basse-cour ne doit pas arracher toutes ses plumes, recommandait mon livre de Lectures pratiques au chapitre des Émigrants. Mais je dédaignai ses préceptes. Ni la faim, ni le vertige ne m’effrayaient aujourd’hui. Je rouvris ma malle pour en retirer d’inutiles pots de confitures, d’inutiles jerseys et la vieille montre sans rouages. Dans le monde où j’entrais maintenant, il faut une montre qui marche, une montre de combat, ou s’en passer. Je ne gardai que mes compas, que ma boussole, que les vêtements indispensables pour une expédition au pôle, à l’équateur, — le trousseau, en un mot, requis par les économes de lycée. Il ne resta plus de moi, au bout de cinq minutes, qu’un enfant dépouillé de ses ordres étrangers, de sa machine à dessécher la mer, de ses canons, qu’un garçon décidé à tout, avec douze mouchoirs, six chemises de madapolam et un béret, — qu’un mousse, en somme, qu’un fils d’Iroquois, qu’un orphelin.

Mon père alors m’appela :