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de langueurs et d’amours allemandes, elle n’eut en effet qu’à souffler sur une mèche rebelle de ces cheveux dont l’annexe m’avait dit la longueur, qu’à faire saillir sous la jupe ce genou droit, dont je savais le tour. La connaissance au compas que j’avais de ce corps, de ces tresses de 1 m. 83, de ces yeux de cinq centimètres, de cette bouche calibrée, de ces jambes de deux pieds six pouces, de ce mollet égal à la moitié de sa taille et aux trois dixièmes de sa poitrine, me conférait subitement, de mon poste d’observation, une connaissance égale de ses pensées. Je la devinais ardente et obstinée, à ce front de quatorze centimètres qui s’appuyait sur l’air comme sur un joug, avec des fièvres et des passions dont je pouvais prévoir, à un degré, l’exacte température, de la bonté, de la ruse, et un amour considérable des chapeaux, car au lieu des bleuets ordonnés par l’annexe, elle portait un casque Walkyrie-Reboux. Forestier l’accompagna jusqu’à la grille, d’un corps non mesuré qui paraissait, à côté de ce corps immuable, se modifier à chaque pas, la suivit des yeux jusqu’au moment où elle se retourna avant de disparaître, agitant ses fleurs comme il est prévu à l’image 9 et dernière pour la séparation suprême. Puis, destiné ce jour-là à effacer les traces sur la neige, vinssent-elles des fauves ou des femmes, il se baissa pour ramasser les pétales tombés du bouquet, et, se relevant, haussa vers moi un visage où il n’était nécessaire de connaître ni les rapports du menton et de l’oreille ni l’ellipse de l’œil, pour lire une grande candeur. Qui me dira pourquoi j’en fus irrité comme d’une hypocrisie, non contre mon ami certes, mais contre le major Schiffl et consorts, et