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faisait figure dans le ciel, révélait dédaigneusement qu’elle n’était pas grand-chose auprès des autres astres et qu’une simple diligence pourrait y parvenir en trois ans quinze jours… Oui, Forestier, c’est à moi de décrire les derniers onze jours, alors qu’on approche d’elle en mettant ses gants pour enfin la toucher, ses lunettes noires pour n’en être pas ébloui, et l’amour de celle qui abandonna la terre pour vous accompagner dans la diligence déjà changé en amitié.

Mais voici que le tramway no 20 continue sa route, hélas ! horizontale, sans se douter que le 14 le poursuit en brûlant l’arrêt facultatif… À chacun son métier. Moi, qui suis écrivain, quand je pense à un ami, j’écris sans le vouloir avec son écriture. Pour Geneviève, le sculpteur, qui me perce de ses regards, qui a déjà deviné qu’un jour j’ai sauvé trois chats, qui va deviner dans une minute qu’un jour j’ai sauvé un enfant, voilà que son visage commence à me ressembler… Le steward suédois nous a mis à la porte et lâchés vers l’Obélisque… Dire les bienfaits de la nuit ? C’est au premier qui dira au premier sergent de ville : La lune est levée, sergent de ville, on voit mille étoiles !

C’est à moi.

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Le 21 mars 1922, à minuit, exact comme le printemps, mais de meilleure humeur, je débarquai à Landshut. Zelten avait dépêché à la gare un docteur Mueller, professeur dans cette ville de diction française, et au métier duquel la guerre avait porté un coup, car s’il avait toujours quelques élèves, à mesure que les