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qu’il avait cherchée avec tant d’impatience. Elle se levait, de moyenne grandeur, mais taillée. Il rougit de joie, que je l’aie découvert en flirt avec une aussi belle amie…

— C’est Bellina III, dit-il. On la voit surtout de Rékyavick… De Nilsen-Tilsen surtout, où l’on arrive par un petit tramway tiré par des poneys gris…

Un être roux, haut de six pieds, s’était levé et masquait l’étoile. Zelten le repoussa avec colère. Le géant s’excusa. C’était d’habitude un personnage irascible qui insultait les enfants et vidait sa bière dans le violon de la soliste. Il alla se rasseoir tout au bout, ne sachant au juste s’il avait caché Zerlina II, Müller 34 ou Wandenberg 2.000, mais tout honteux.

— Revenons à ton histoire S. V. K., reprit Zelten, qui lut du moins dans l’étoile un de mes désirs. Tu sais qu’à l’université de Berlin, en ce moment même, le Dr  Kuno Schmitt professe que pas mal de génies ont été guidés à distance par des amis connus ou inconnus qui usaient de leur supériorité hypnotique pour leur imposer, à leur insu, une inspiration. Il va un peu loin ; il explique ainsi, sans parler de l’affaire Shakespeare, toutes les contaminations et les plagiats. En tout cas, le bonhomme qui projeta ainsi sur Corneille les romanceros, sur Molière Don Juan, et Tristan sur Wagner, n’avait pas perdu son temps, et il est à souhaiter que les lumières des douaniers, à chaque frontière, soient remplacées par un homme projecteur de cet ordre. Mais sans aller si loin et pour t’éviter de me regarder avec pitié, apprends que c’est moi, moi seul, qui t’ai inspiré cette épigraphe sur les bienfaits du soir que tu accuses S. V. K. de t’avoir em-