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CHAPITRE SEPTIÈME


L’aube se levait, quand l’automobile que nous avions frétée à Berlin et qui avait l’autorisation de traverser les lignes révolutionnaires, le citoyen Siegfried von Kleist étant invité à faire partie du nouveau Sénat, nous déposa dans Munich. Des agents vêtus de l’ancien uniforme nous poursuivirent dès notre entrée et nous donnèrent une alerte, mais ils en voulaient à nos phares encore allumés et il fallut leur payer contre reçu vingt-quatre marks, le premier impôt certainement qu’ait perçu le dictateur Zelten. Ils ne nous demandèrent pas nos papiers, l’ancienne police n’assurant plus la surveillance que des objets inanimés, voitures, automobiles ou pots de fleurs, et devant remettre à la nouvelle celle des êtres humains. On entendait de temps à autre un coup de feu, timide, car guerre et révolte demeurent filles de la chasse, défendue en tous pays avant le lever du soleil. Un dernier arrêt, provoqué par des agents qui me signalèrent une déchirure à mon manteau, — toujours l’ancienne police, — et je fus à la maison. Si j’avais pu concevoir un doute sur la révolution, le moindre regard jeté vers la cage en verre de mes Israélites russes l’eût levé. Ils étaient déjà tous habillés, groupés