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le corps d’une nation comme la graisse dont vit ensuite un malade, et l’esprit de guerre ne se déclarait qu’au moment où la sursaturation de métal guerrier était acquise.

— Monsieur, dit le Professeur Schmeck, nous connaissons le but de votre enquête à Munich. Vous avez, semble-t-il, quelques raisons de croire que Siegfried von Kleist n’est pas Allemand ?

J’affectai de ne pas comprendre.

— Monsieur, dit le professeur Schmeck, je suis Monsieur le professeur Schmeck. Mon ami est le capitaine baron de Greidlinger. Avec Fraülein von Schwanhofer vous avez à peu près reconstitué ici le trio parfait qu’utilisaient vos romanciers mondains du Second Empire quand ils voulaient décrire l’Allemagne. Par un singulier hasard, un trio composé de nos ancêtres à tous trois s’est rendu jadis en délégation auprès du ministre de la police bavaroise pour obtenir la libération de Lola Montès. Le fait qu’aujourd’hui nous sommes tous trois présidents de clubs de revanche et d’associations de haine, suffit à vous prouver que l’Allemagne a changé. Il convient donc, pour votre bien autant que pour le nôtre, de nous accorder cette explication. Nous sommes prêts à accepter vos exigences, si vous voulez bien nous dire ce que vous savez de Siegfried.

Je ne savais rien.

— Monsieur, reprit le professeur Schmeck, vous infligez à Fraülein Eva une immense peine. Tout ce qui nous attache à un fils l’attache à Siegfried. C’est elle qui lui révéla comment se nomme un verre, un chien, un chat ; qui lui apprit à écrire, et je me rap-