Page:Giraudoux - Siegfried et le Limousin.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rendons ton bouclier qui a terrassé le petit Ludendorff. Saint Raphaël, nous te rendons ton casque auquel s’est brisé le casque du petit Guillaume. Quand le temps sera venu de pardonner aux petits Allemands qui ont détruit 789.000 de nos maisons, convenons d’un petit signe qui sera un petit enfant bavarois offrant de lui-même 10 petits pfennig à la France ; quand le temps sera venu de pardonner aux petits Allemands qui ont déporté nos sœurs, qui ont rasé nos cerisiers et nos pommiers, qui ont dévasté 3.337.000 de nos hectares, convenons d’un petit signe qui sera une petite fille hessoise refusant de dire le soir sa petite prière homicide, car, Archanges, en nous donnant la victoire, vous nous avez enlevé le droit de haïr. » Parlons donc franchement, Eva ; asseyez-vous, puisque nous avons dit nos Benedicite. Où avez-vous rencontré Siegfried pour la première fois ?

Cette fois elle me répondit. Sa robe avait glissé et l’on voyait une épaule. Que voulaient dire les archanges par ce signe ?

— À Sassnitz, à l’hôpital, dans la salle des soldats atteints à la tête et inconscients, prisonniers et alliés, où l’on m’avait mise parce que je sais pas mal de langues et que je traduisais leurs appels. C’était affreux. On aurait dit l’Europe. Au bout d’une semaine, je comprenais la nationalité des cris, des râles. J’ai vu Siegfried arriver le 4 mars 1915. Cette date est porté sur son livret, à la place de sa naissance…

— Et la nationalité des plaintes de Siegfried, à quoi l’avez-vous reconnue ?

— Que voulez-vous dire ?