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RETOUR D’ALSACE

tagnes, apparaît une ville. C’est si nettement une ville, la ville des écriteaux d’école, mi en plaine, mi en montagne, que nous doutons d’y pénétrer. Au-dessus d’elle, un château-fort, les tours encore presque intactes, mais renversées horizontalement, comme dans les mirages qui n’ont pu tourner tout à fait. Jamais l’état-major, qui nous fait éviter jusqu’aux chefs-lieux de canton, ne nous permettra de pénétrer dans cet exemple de ville, avec sa cathédrale ogivale au milieu, ses usines à droite, ses toits de tuile à gauche. Le capitaine Perret nous confirme que c’est une ville, que c’est Thann. L’écriteau, qui ne nous avait parlé jusqu’ici que de cités éloignées, nous annonce soudain ; Thann, 2 kilomètres. Déjà, les maisons se touchent, avec des jardinets et des grilles. Nous interrogeons.

— Et ici, où sommes-nous ?

— À Thann !

— Mais là-bas, sur la droite, toutes ces usines ? C’est Cernay ?

— C’est Thann.

Quelle ville immense ! Peut-être aussi que nous ne sommes plus habitués à voir de villes ! Et les balcons ? Peut-on imaginer plus gracieux et plus commode que les balcons ! Et les seconds étages, si dangereux en cas de chute ou d’incendie, mais