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RETOUR D’ALSACE

qu’il va ramasser le courrier. Tout le monde tire son crayon et s’assied. Les moins lettrés s’étendent pour écrire. Ceux qui restent debout sont des égoïstes ou des orphelins. Les cartes achevées, on met au courant les carnets de route. Barbarin me demande le mien, pour copier ; je le lui passe sans discuter, car il ne comprendrait point un refus, et il transcrit avec joie : Aspach. Maisons brûlées. Fabienne. Tour Eiffel. Je lui explique que Fabienne est le nom de mon hôtesse. Il l’avait deviné, et qu’elle est immense et maigre. Il me fait lire à son tour son cahier, où il n’a trouvé à inscrire jusqu’ici que les mots d’ordre et de passe : 19 août, Napoléon. Namur. — 20 août, Samain. Solférino. — Au début, cependant, il a écrit un court résumé de la situation, comme en-tête des feuilletons : De la classe 1907, je rejoins le dépôt de Roanne le 1er août. La guerre doit éclater entre la France et l’Allemagne le lendemain, 2 août. Le 3 août, surlendemain, elle éclate entre l’Angleterre et l’Allemagne. Il m’offre de copier, si j’y tiens.

À huit heures, enfin, départ. Je laisse à la garde d’un lieutenant d’artillerie quatre droguistes à bicyclette, d’allure allemande, qui prétendent aller à Mulhouse, leurs communes manquant d’aspirine. Ils affirment aussi, sur nos observations,