Page:Giraudoux - Retour d’Alsace, août 1914.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
RETOUR D’ALSACE

mal en histoire ; elle n’a pas su la mort de Frédéric II. Elle m’affirme qu’elle ne recommencera pas ; et tient à me réciter tous les grands hommes qui sont morts, mal assurée pour ceux qu’elle aime. — C’est ainsi que nous passons notre journée entre les enfants et entre les vieillards, nous vieillissant ou nous rajeunissant selon nos rencontres, car vieux et enfants ne vont pas ici ensemble, comme en France, et nous conquérons un pays où l’âge adulte n’existe pas.

Journée et rencontres de garnison : je suis chargé d’imprimer le cachet du régiment sur les permis d’habitants qui veulent acheter des provisions aux environs. Je les accompagne jusqu’à la ligne des sentinelles, face au clocher du village où ils vont, et les lâche comme une élastique. Rencontré Jalicot, qui a adopté un vrai petit muet ; n’ayant pas l’allemand entre eux, tous deux se comprennent à merveille. Rencontré Artaud, qui est rayonnant, qui s’est pris le pied dans la roue de sa voiture, a cogné la tête dans le marchepied, et est retombé sur une botte de paille ; il aurait voulu le faire qu’il n’y serait jamais arrivé. Notre chien de chasse suit mes promenades quand je prends un fusil et m’abandonne quand je me