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RETOUR D’ALSACE

Babette, et je me couche sur la table, après avoir posé l’encrier par terre. Il faudra faire attention au lever. Salon où tous les meubles ont des colonnes torses, fauteuils, supports d’armoire, table en chêne, et où un Christ, à tête relevée, semble s’étonner que le montant de sa croix soit si plat, si lisse !


Ammerzwiller, 22 août.

La bataille est bien finie, bien gagnée, mais le canon tonne toujours, et devant nous. Nous ne nous en inquiétons point. C’était encore l’époque où les fantassins croyaient que l’artillerie se loge entre les ennemis et eux. Pauvres artilleurs ! disions-nous. À dix heures, départ de Spechbach. On craint un retour des Allemands par Cernay et nous attendons jusqu’au soir face au Nord, dans des vergers. Tout le linge lavé le matin est retiré des sacs et pendu aux branches, d’où l’on retire, pour l’équilibre, quelques pommes. Je dicte aux sergents-majors le rapport du quartier général : nous tirons trop haut, nos tranchées sont trop hautes et trop petites, il faudra les mesurer désormais avec un homme de taille moyenne. Réclamations du lieutenant Viard, dont la compagnie est près d’un rucher, et qui a déjà deux hommes