se trouve ovale. Comme il n’est pas permis de s’asseoir, les camarades s’adossent sac à sac et prennent ainsi leur repos, se parlant l’un tourné vers les ténèbres françaises, l’autre vers les ténèbres badoises. C’est notre première bataille, mais nous ébauchons instinctivement tous les gestes et les pensées que nous aurons une fois guerriers. Nous ne nous serrons pas les mains, mais nous avons des regards si lourds que s’ils appuient sur les yeux indifférents d’un voisin, le voisin doit nous sourire. Nous n’écrivons pas de testaments, mais les soldats qui se devaient vingt sous se les rendent ou se les donnent. Un seul dans la compagnie note ses dernières volontés ; c’est Lâtre, qui lègue son entreprise à sa femme, sa femme à son père. Nous nous passons le papier en riant, et Lâtre le poursuit d’escouade en escouade, avec acharnement, comme s’il devait hériter.
Je fais les cent pas avec Jalicot. Des groupes se forment. La ligne des sections carrées s’est fondue en une ligne de sections arrondies et la promenade, et la pensée, est plus douce le long de ce bataillon sans angles. Nous faisons dans l’ombre aux camarades des signes modestes d’existence : — C’est toi ? — Oui, c’est moi ! — C’est vous ? Tous ceux qui vont être braves pour la première fois allument plus doucement leur cigarette. Celui-là sent au