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ventilent l’air des cèpes et des menthes ; arôme de ces mois d’été où chaque girouette flamboie, vacillant à peine, comme du papier d’Arménie. Je devine : Estelle n’est pas revenue. On me place sur une fausse sainte ainsi qu’on dispose une chatte et ses chatons sur la meule de foin où s’est caché un fugitif. On a déguisé la duchesse, ou une parfumeuse de l’usine.

— Eh bien, Estelle, dis-je, on n’embrasse pas aujourd’hui !

Elle ne répond pas ; elle ne se penche point : c’est la duchesse. Je la tiens donc, celle qui ne veut embrasser que ses pairs et refusa, le jour où elle eut trente ans, à la dernière Assomption, de serrer la main du paysan qui lui offrait le bouquet des métayers. Si je les vengeais, et la dénonçais soudain, au beau milieu de la fête.

Mais sa main dédaigneuse a pris ma main. Son cœur bat largement, envoyant ses parfums, sans contrôle et sans saccade, jusqu’aux veines mauves. Sur sa poitrine, il y a, ce qu’Estelle n’avait point, juste une place pour ma tête. Je crois bien que je vais céder. Je dis seulement ;

— Estelle, embrasse-moi, et devant tous les pèlerins, ou je crie vive la Sociale !