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ceux qu’elle ne connaît point. Enfin, — enfin, la fille du régisseur, Princessa Badet, serait venue. J’aurais su déjà qu’elle valse Chopin des heures entières, toute seule devant sa glace, et rien qu’à la voir marcher, d’ailleurs, j’aurais deviné qu’elle a des ailes. J’aurais souhaité qu’elle dansât ; les officiers, les voyageurs se seraient rassemblés autour d’elle, claquant des mains, et l’instituteur aurait disposé ses œufs sur le sol pour rendre le pas plus dangereux et plus précis. Alors, se défiant de cette volonté qui la poussait et qu’elle ne reconnaissait pas, elle aurait, se courbant et s’enroulant, chassé son désir de danser de son poignet à sa tête, de sa tête à ses reins. Elle se serait effrayée de ne pas le voir tomber, ainsi qu’un enfant s’inquiète de ne pas voir s’envoler de sa main la coccinelle qu’il ramène toujours au sommet de l’index. Alors j’en aurais eu pitié, je me serais levé dans ma gloire, et, éblouie par le nimbe violet qui cerne divinement tout mon visage, repentante et joyeuse de choses qu’elle ignorait, elle se serait affaissée.