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— Nini ! Nini ! murmura-t-elle. Je pars avec vous et sans rentrer chez moi. La vie ici est intenable. Vous le voyez ! Potie, le percepteur, le monde entier m’en veut, et voilà la duchesse qui m’écrit de m’habiller en religieuse pour aller au-devant des pèlerins, ce soir. Mais ils m’attendront s’ils veulent. Adieu, petit.

— À demain, Estelle !

Elle m’entend à peine ; elle n’entend pas le claquement d’un éclair d’été, sous lequel les chevaux se cabrent, car ils se demandent quel fouet gigantesque essaye Potie. Laissons-la partir. On n’aura plus de pitié pour elle, et elle n’échappera pas au couvent.

Mais je me demande pourquoi la Vierge l’a choisie. À sa place, au lieu d’aller sans me renseigner vers la première malade, je me serais arrêtée vers l’hôtel, à l’entrée du bourg. Il aurait été cinq heures, et tout le monde serait aux portes pour dire bonne nuit au jour. On m’aurait à peine remarquée, car c’est l’heure où le courrier relaie, et de la voiture descendent les voyageurs les plus étranges : de nouveaux instituteurs, effarés, portant des œufs dans une corbeille, avec le parapluie de la classe sous le bras libre ; des