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— Moi, affirma Potie, j’aime Paris. En dire du mal, c’est ne pas savoir ce qu’on dit, parce que c’est tout près et que, quand vous l’avez vu, il n’y a plus rien à voir. Il y a d’abord les femmes. Elles vont, elles viennent… Puis il y a les étrangers. J’y ai vu des Roumains, des Turcs, et même, m’a-t-on dit, la plupart de ceux qui se disent Corses sont bel et bien Italiens.

— Soit, hasarda Estelle. Mais tous les crimes, qu’est-ce que vous en faites là dedans ?

Potie n’attendait que ce mot. Il éclata :

— Vous ! cria-t-il, quand vous parlez, vous feriez mieux de ne pas ouvrir la bouche. Les crimes ? Mais certainement je vais vous dire ce que j’en pense : J’en pense que c’est un miracle que pour trois millions de gens qui sont toujours ensemble, qui ne se lâchent pas une minute de la semaine, il n’en arrive pas davantage. Mais pour accuser les autres on trouve toujours quelqu’un.

Il salua Nini, et se planta au milieu de la rue, pour essayer ses fouets. Estelle avait des larmes dans les yeux, mais le facteur, l’apercevant, vint vers elle et lui remit une lettre, pour la consoler. Quand elle en eut terminé la lecture, elle se mit à pleurer tout à fait.