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garde de les taxer plus d’un franc. N’est-ce pas, Nini, que je suis riche ?

Elle répond, mais comme elle dirait autre chose, et c’est une nouvelle preuve de ma richesse :

— Ferme les yeux, tout ce que tu vois t’appartient.



Le bourrelier Potie, qui tressait des fouets, nous arrêta. Tous les ans, au 14 juillet, il allait à Paris et il se réjouissait d’en parler. Nini souriait de son enthousiasme, par modestie, un peu tristement. Mais Potie comprend toujours mieux à la fin qu’au commencement. Il crut qu’elle le désapprouvait et se mit en colère.

— Voyons, demanda-t-il, qu’est-ce que vous lui reprochez, à Paris ?

Il y avait trop de témoins pour répondre ; un moineau nous effleurait d’un vol déraisonnable et saccadé qui semblait tenir au ciel par un élastique ; une poule chanta, malgré le crépuscule, espérant faire compter son œuf pour le lendemain ; un gamin poursuivi vira brusquement au coin de la bourrellerie et il resta là, nous contemplant.