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Chaque fois que les femmes laides aperçoivent la Parisienne, elles se hasardent au pas des portes, les yeux mal étirés, comme si elles s’éveillaient exprès, les poings au fourreau dans leurs poches de tablier. Un pigeon qui s’effarouche plane parfois au-dessus d’elle, comme la colombe de la Pentecôte visitant les disciples, et elles semblent alors vous calomnier dans toutes les langues. Elles parlent sans arrêt, à la tâche, mais leur bouche est si large que la moindre phrase dégonfle leurs joues ; de leurs dents on ne voit que l’avant-garde ; leurs prunelles se rétrécissent et se distendent comme des têtes de sangsues, leurs oreilles sont roulées en coquillage et elles entendent continuellement l’océan gronder, car il y a, sur leurs traits, autant de terreur que de colère. Leur cœur un jour se révolta ; mais elles le précipitèrent sous leur poitrine, entassant sur lui Ossa et Pélion. Il semble qu’en marchant très fort sur le pied de celles qui sont petites, elles se détendraient soudain, claquant en hauteur, et l’envie vous prend aussi d’appuyer sur la tête des grandes, pour les contraindre à ren-