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grignote bruyamment. Personne ne s’y trompe plus : le miracle a passé sur elle comme la pluie sur les croisées. Elle n’est qu’une fille de chambre qui a vu Marie, et l’a reçue, en concierge mal avisée, prenant pour elle la visite. Si elle s’occupe, elle a l’air de faire des journées dans sa propre maison ; si elle est assise, elle semble se reposer. Mais elle ne sera jamais à son aise dans le calme, nature des élus, et elle se heurte à toute sérénité comme une mouche à une vitre. C’est elle qui, en plein dimanche, le jour où il passe bien deux voitures, trouve le moyen d’être bousculée par une automobile ; ce sont ses poules qui ravagent les plates-bandes de notre petit jardin public ; le fils Millet, le coureur de filles, c’est son cousin. Aussi, depuis le jour où un colporteur qui se croyait provoqué la souffleta, ameutant le marché, le curé et la duchesse sont d’accord pour l’écarter de Beaume. On ne pouvait laisser compromettre ainsi une œuvre sacrée. Il suffisait, autrefois, de l’enfermer dans sa chambre le jour du pèlerinage ; mais depuis quelques années, des couples de commerçants enrichis, que le comité de propagande enrôle, ont acheté des villas et habitent Beaume à demeure. Or, cette sainte en