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Je passe mes journées chez elle, parce qu’elle est notre voisine, parce que sa sœur était notre cuisinière et fut fidèle quand ma mère mourut. Mais je ne l’admire plus, et je ne suis plus fier, quand la procession passe, d’être assis sur ses genoux. Je n’aime pas la voir quémander des bonbons chez tous les épiciers ; je n’aime pas ce chien pelé, qui l’escorte partout, comme si c’était saint Roch qui lui était apparu ; je n’aime pas ces yeux où s’appuyèrent les lumières des lumières et qui, au moindre reflet, se mettent en quête. Allumez une allumette, et elle vous regardera. Parfois, pour dénicher les nids, nous partons ensemble, à travers champs. Les petits tas d’engrais et de marne s’espacent et dorment, par troupeaux, les naseaux fumants ; les sillons s’écartent de l’horizon en éventail, et il fait frais ; des vaches se lèvent sur notre passage, mal à l’aise, croyant que l’herbe a des plis ; aux places où l’on répandit trop de guano le blé se rue par taches plus drues et plus foncées, et l’on se demande quelles ombres de nuages tombent ainsi, de plus haut que le ciel, qui est bleu. Je vais. Mais Estelle furette dans les meules, s’attarde à raccrocher les barrières, et cueille en cachette des fruits qu’elle