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SAINTE ESTELLE


I


Je toussai. Elle ne baissa pas les yeux vers moi. Une buée voilait ses besicles ; des faux-jours faussaient les vitres et les doublaient de mica ; mais elle ne s’étonnait point de ne pas voir. J’allai à la fenêtre et ne toussai plus.

Au bas de l’horizon, rabotée de neuf, s’étirait la route, mais le pré gondolait, mal tendu. Une brise soufflait de front et je ne voyais, des gazons, des roseaux, de la cressonnière que leurs dessous d’acier, confondus ; mais, de même qu’à fixer le ciel on y fait naître ses étoiles, je découvrais peu à peu dans l’herbe tous ses familiers. Un chat se promenait, s’attardant aux touffes, pour faire croire aux oiseaux qu’il broutait. Les oies dormaient sur une patte ; le bout de l’autre, fripé à dessein comme un gant, pendait négligem-