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pas lui dire adieu car elle part au train de deux heures trente.

Il se souvint alors de la dame qui, à la gare, après une présentation hâtive, était partie au bras de M. Pivoteau et brusquement il se mit à courir.

L’agent voyer courait vers la gare. Il y courait d’instinct, sans savoir où elle était, comme un train qui se laisse conduire par les rails. Une branche retint son chapeau, une épine taillada sa jaquette ; mais qu’importait, pourvu que les souliers restassent et qu’il continuât de courir ; son pantalon flottait, l’éventant doucement du mollet au genou ; il ne pensait à rien, qu’à une ampoule mal fermée, qui pouvait se rouvrir et l’obliger à trotter sur le talon. Le diable aussi de n’avoir point, pour éviter la soif, un petit caillou dans la bouche ! Et soudain, la gare apparut, encadrée de cyprès et d’ifs, hautaine comme un presbytère ; et la cloche sonnait, comme un glas annonçant l’arrivée du train, ou le désespoir de l’agent voyer ; et il voyait, dans la salle d’attente, une jeune femme, les paupières baissées sur les yeux trop prometteurs comme une feuille de vigne, les bras chargés de genêts. Il franchit