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dessein son désespoir et sa joie. À la voir si souple et si pure, il concevait des pensées déraisonnables et se demandait si, malgré son mariage, elle n’était pas encore jeune fille. Peut-être le vieux pharmacien l’avait-il épousée pour la soustraire à un tuteur cruel. Peut-être aussi avait-il eu trop de confiance en ses drogues. Il se taisait pour écouter à son aise les cassures et les froissements de son corsage. Coco Rebecque les dépassa, se forçant à leur sourire. Ils causèrent d’elle.

— Ne trouvez-vous pas, monsieur l’agent voyer, que Coco s’est transformée en quelques jours ? La voilà femme !

— La voilà femme ? répétait-il méfiant.

— Oui, monsieur l’agent voyer, et cela ne m’étonne point. Elle est de celles qui se couchent gamines, et se lèvent grandies ; qui rompent, un beau matin et en un jour, avec leurs poupées et leurs nattes ; dont le corps obéit à ces lois qui décrètent l’âge de la majorité, du mariage, et qui sont soudain embarrassées, passé vingt et un ans, quand le Code ne leur dit plus à quel âge elles deviennent des femmes mûres, puis de vieilles femmes. Elle est de celles, en un mot, auxquelles Dieu donna une vie en