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son amant. Elle était seule, son mari l’hôtelier n’était jamais là, recrutant sans doute, dans les campagnes, des clients qu’il ramènerait un jour, tous ensemble, par milliers. Bénoche alla discrètement pêcher à la rivière, et l’agent voyer, soulevant la femme dans ses bras, la porta, plein de désirs, jusqu’au buffet. Il y prit une bouteille de bière, puis, fatigué, s’assit.

Le jour entrait coupé en tranches par les vitres étroites, et semblait le jet d’un fanal. Le soir collait le paysage à la fenêtre comme du papier vitrail, et de l’ongle on eût bien volontiers gratté la chapelle dont les cloches sonnaient à vous casser la tête. On hésitait, par paresse, et parce qu’on s’habituait peu à peu au carillon. Le pot-au-feu bouillait comme une source à peine née, qui ne sait si elle doit rire ou pleurer de sa naissance. L’agent voyer, la tête dans les mains, ne savait s’il était heureux ou malheureux, et il lui semblait que sa maîtresse avait engraissé.

— Hélène ! appela-t-il.

Hélène, accoudée au buffet, était belle et ridicule comme une statue qu’on habilla. Ses boucles d’oreilles paraissaient si larges qu’il avait envie d’y attacher une ficelle et de s’amuser au cheval.