Page:Giraudoux - Provinciales.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


II


L’agent voyer faisait sa tournée hebdomadaire, escorté du père Bénoche, son chef cantonnier. Ils suivaient la route nationale, oubliant qu’ils marchaient, ainsi qu’un bateau suit le fil d’un fleuve, et, aux villages, ils ralentissaient d’eux-mêmes, comme dans une écluse. Ils passaient la revue des tas de cailloux sans les regarder. Le père Bénoche seul, par à-coups, pensait. Il pensait :

— La belle journée.

Vous l’auriez pensé comme lui. Il n’y avait au ciel que trois ou quatre petits nuages pourpres et quelques vols d’étourneaux qui butaient contre l’horizon avec l’entêtement d’une guêpe qui veut traverser une vitre. Les poteaux des postes ronflaient comme si l’on se télégraphiait de tous les cantons à la fois, pour se féliciter d’un si bel après-midi. La chaleur, qu’un vent entêté rabattait et secouait des arbres, s’accro-