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prudemment, comme on joue vingt sous sur la bande.

— Enfin, à part ma femme, nous en avons tous eu besoin, des sages-femmes.

Mme Pivoteau, en effet, était née dans le train, entre La Motte-Beuvron et Montargis, et elle sourit à son mari avec quelque reconnaissance et quelque orgueil, se rappelant les années de pension où les maîtresses se récriaient, après lui avoir demandé le lieu de sa naissance, pour les palmarès.

Mme Blebé, elle, plaignait la pharmacienne.

— Oh ! la pauvre jeune femme !

Mme Blebé plaignait le monde entier, les vaches qu’on attelle, les guêpes qu’on écrase, le pauvre miel que l’on mange ; elle plaignait non pour être plainte à son tour, mais par habitude, et peut-être pour simplifier ses sentiments, de même qu’elle trouvait à tout ce qu’elle respirait le parfum de l’héliotrope et à tout ce qu’elle mangeait le goût de noisette. Mais l’agent voyer, sans réfléchir, ripostait, menaçant :

— Pourquoi pauvre ? je voudrais bien savoir pourquoi pauvre ?

Mme Blebé le regarda avec stupeur. La lu-