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III

À L’AMOUR, À L’AMITIÉ


Des matelots lavent le pont. Je me suis levé avant le jour pour ne pas penser à mon amie. Je m’enveloppe de ses couvertures et je m’étends sur son fauteuil. La lumière de la lune baisse à mourir dans son globe dépoli. La mer n’est pas la mer et n’est plus la nuit… La nuit où mon amie me prit la main va s’achever.

Amitié, marraine du printemps, déesse des traînes, des mains qui se raccordent au cœur des manchons, que ne suis-je l’homme le plus féroce du monde. Hier, dans la salle à manger, au moment de massacrer tous les passagers et son mari, devinant qu’elle ne le souhaitait pas, j’aurais achevé mon potage en silence.

Amour, que ne suis-je le monarque le plus puissant. Je n’en dirais jamais un mot ; mon