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n’aurez jamais de rides. Votre sourire n’écarte pas vos lèvres, et vos paupières ne se plient pas ; elles se rentrent, toutes droites, dans votre front.

Elle sourit, et se tourna vers ma compagne.

— Je suis triste, affirma-t-elle. Et je ne le suis pas. Je trouve seulement que la journée est longue, qu’on la commence par le soir ou par le matin. Expliquez votre joie, et je saurai. Mon parfum ne m’empêche pas de goûter celui des autres ; mon cœur a son mouvement, il ne l’aurait pas que j’aurais le cœur de tout le monde, mais je comprends les autres cœurs. Je vous comprends. Je comprends que la France est un tout petit cottage, avec des hôtes discrets. Les Françaises peuvent se promener toutes nues, parce que vous portez au cœur le respect de tout ce qui est confiant. Il suffit qu’une chose soit calme pour que vous la preniez dans vos mains, et la baisiez. Vous avez tous l’air d’être apaisés d’un grand deuil ou d’un grand bonheur. Vous avez les choses les plus calmes parmi le monde : des routes serviables bordent chaque mille carré et vous ombragent jusqu’au château ; des servants se redressent à votre approche afin de mieux s’incliner ; des bœufs, pour ne pas bouger sur